caso grande oriente d' Italia

Corte Europea dei Diritti dell’Uomo 
CASO: GRANDE ORIENTE D’ITALIA DI PALAZZO GIUSTINIANI contro ITALIA 
sentenza del 02 agosto 2001 
ricorso n. 35972/97

 

Violazione dell'articolo  11 (libertà di riunione ed associazione) della Convenzione europea dei Diritti dell’Uomo, in ipotesi di  una legge  regionale che obbliga i candidati ad una carica pubblica a dichiarare che essi non appartengono alla massoneria. Lo Stato Italiano deve versare alla associazione ricorrente soltanto le spese legali, costituendo di per sé la sentenza di accertamento della Corte una sufficiente equa soddisfazione.

(traduzione non ufficiale a cura dell’avv. Maurizio de Stefano  del comunicato stampa della cancelleria)

L’associazione ricorrente, Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani, è una associazione d’obbedienza massonica italiana che raggruppa  molte logge. Essa esiste dal 1805 ed è affiliata alla Massoneria universale. Essa lamenta l’adozione da parte della regione Marche della « legge del 1996 » che  obbliga i candidati ad una carica pubblica a dichiarare che essi non appartengono alla massoneria, in violazione degli articoli 11, 14 e 13 (diritto ad un ricorso  effettivo).

Ritenendo che il provvedimento in questione  non è necessario in una società democratica, la Corte europea dei Diritti dell’Uomo dichiara all’unanimità che vi è stata violazione dell’articolo 11, ma che non vi è luogo d’esaminare separatamente le doglianze sollevate sul terreno degli articoli 13 e 14. Inoltre, la Corte dichiara all’unanimità che la constatazione  della violazione costituisce una equa soddisfazione sufficiente per ogni  pregiudizio subito dall’associazione ricorrente e liquida a quest’ultima 10 000 000 ITL per spese legali.).

Cour européenne des Droits de l’Homme

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE GRANDE ORIENTE D’ITALIA DI PALAZZO GIUSTINIANI

(Requête n° 35972/97)

 STRASBOURG

2 août 2001

En l’affaire Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

          MM.  G. Ress, président,
                   A. Pastor Ridruejo,
                   B. Conforti,
                   L. Caflisch,
                   J. Makarczyk,
                   V. Butkevych,
                   M. Pellonpää, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 juillet 2001,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 35972/97) dirigée contre la République italienne et dont une association de droit italien, Grande Oriente d’Italia di Palazzo Giustiniani (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 31 janvier 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  La requérante est représentée par Me Anton Giulio Lana, avocat au barreau de Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.

3.  La requérante alléguait la violation des articles 11, 8, 9, 10, 14 et 13 de la Convention à cause de l’adoption, par la région des Marches, d’une loi obligeant les candidats à des charges publiques à déclarer leur non‑appartenance à la maçonnerie.

4.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11).

5.  La requête a été attribuée à la quatrième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

6.  Par une décision du 21 octobre 1999, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

7.  Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations complémentaires sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement). Toutefois le président de la Chambre a décidé de ne pas accepter celles du Gouvernement car celui-ci les avait déposées en dehors du délai fixé sans solliciter aucune prorogation avant l’expiration de ce délai (article 38 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

8.  La requérante est une association d’obédience maçonnique italienne qui regroupe plusieurs loges. Elle existe depuis 1805 et est affiliée à la Maçonnerie Universelle.

En droit italien, la requérante a le statut d’une association de droit privé non reconnue aux termes de l’article 36 du code civil. Elle ne dispose donc pas de la personnalité juridique. Elle a déposé ses statuts auprès d’un notaire et ceux-ci sont accessibles à quiconque.

Par la loi régionale n° 34 du 5 août 1996 (« la loi de 1996 »), publiée au bulletin officiel du 14 août de la même année, la région des Marches (« la Région ») adopta les règles à suivre pour les nominations et désignations à des charges publiques du ressort de la Région (« Norme per le nomine e designazioni di spettanza della Regione »).

Devant la Cour, la requérante se plaint du préjudice qu’elle subirait en raison du libellé de l’article 5 de ladite loi régionale (« l’article 5 de la loi de 1996 »).

Dans son article 1er, la loi précise que ces règles s’appliquent à toutes les nominations et désignations faites par les organes statutaires de la Région en application de lois, règlements, statuts et conventions, dans les « organes des organismes et sujets publics et privés autres que la Région. » Cette disposition indique que ces règles s’appliquent également aux nominations dans quinze organismes à caractère régional (indiqués dans l’annexe A à la même loi) ainsi que, dans certains cas, dans les autres organismes à caractère régional dont la nomination ou désignation est du ressort du conseil régional (annexe B à la loi de 1996).

L’article 5 de la loi fixe les modalités et les conditions de présentation des candidatures aux nominations et désignations. Il prévoit, entre autres, que les candidats ne doivent pas appartenir à la maçonnerie. Il est ainsi libellé :

Article 5
Candidatures

« 1. Jusqu’à trente jours avant l’expiration du délai prévu pour chaque nomination ou désignation, peuvent être adressées respectivement au président du conseil régional et au président du gouvernement régional, des candidatures par des conseillers régionaux et des groupes du conseil et par des ordres professionnels, organismes et associations actifs dans les domaines concernés.

2. La candidature doit être complétée par la présentation des raisons qui la justifient, ainsi que par un rapport contenant les renseignements suivants :

a) commune de résidence, date et lieu de naissance ;

b) diplôme ;

c) curriculum professionnel, activité habituelle, liste des charges publiques et dans les sociétés à participation publique, ainsi que dans les sociétés privées inscrites dans des registres publics, assurées à ce moment ou antérieurement ;

d) absence de conflit d’intérêt avec la charge qui est proposée ;

e) déclaration de non-appartenance à des loges maçonniques ;

f) déclaration, signée par le candidat, d’acceptation de la charge et faisant état de l’absence de causes qui l’en empêcheraient en raison de faits d’ordre pénal, civil ou administratif.

3. La déclaration d’acceptation de la candidature doit être authentifiée et doit contenir aussi la déclaration du candidat au sujet de l’existence de causes éventuelles d’incompatibilité, de l’absence de cause d’empêchement et de l’impossibilité de se porter candidat ayant également égard à ce qui est prévu par l’article 15 de la loi n° 55 du 19 mars 1990 tel que modifié par la suite. »

9.  En juin 1999, la première commission du conseil régional des Marches a rejeté un projet de loi régionale (n°352/98) portant sur des modifications et ajouts à la loi n° 34 de 1996. Ce projet visait entre autres à abolir la déclaration prévue à l’article 5 de la loi de 1996.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

10.  L’article 18 de la Constitution est ainsi libellé :

« Les citoyens ont le droit de s’associer librement, sans autorisation, pour des finalités qui ne sont pas interdites aux individus par la loi pénale.

Sont interdites les associations secrètes ainsi que celles qui poursuivent, même de manière indirecte, un but politique par le biais d’organisations à caractère militaire. »

La loi n° 17 du 25 janvier 1982 porte sur les dispositions d’application de l’article 18 de la Constitution en matière d’associations secrètes et sur la dissolution de l’association nommée « Loge P2 ». L’article 1er fixe les critères retenus pour considérer une association comme étant secrète.

Dans son article 4, la loi indique les mesures à prendre à l’égard des personnes – employées dans la fonction publique ou nommées à une charge publique – soupçonnées d’appartenir à une association secrète.

Cette disposition prévoit également que les régions adoptent des lois régionales pour leurs agents et des personnes nommées ou désignées par une région à une charge publique. Ces lois régionales doivent respecter les principes fixés dans cette même disposition.

Selon les renseignements fournis à la Cour par la requérante, de telles lois ont été adoptées par les régions de la Toscane (loi n° 68 du 29 août 1983), de l’Emilie-Romagne (loi n° 34 du 16 juin 1984,), de la Ligurie (loi n° 4 du 22 août 1984), du Piémont (loi n° 65 du 24 décembre 1984) et du Latium (loi n° 23 du 28 février 1985).

Aux termes de deux de ces lois régionales, les personnes nommées ou désignées à des charges publiques doivent indiquer les associations auxquelles elles appartiennent (articles 12 de la loi de Toscane et 8 de la loi du Latium). Les autres lois prévoient les sanctions à appliquer aux personnes nommées ou désignées s’il apparaît qu’elles sont membres d’une association secrète (articles 7 de la loi d’Emilie-Romagne, 8 de la loi de la Ligurie, et 8 de la loi du Piémont). La loi d’Emilie-Romagne contient également l’interdiction de nommer ou désigner des personnes affiliées à des associations secrètes (article 7 de la loi d’Emilie-Romagne).