Caso Jordan McKerr Kelly

ORTE EUROPEA DEI DIRITTI DELL’UOMO

 Hugh Jordan (n° 24746/94),
McKerr (n° 28883/95),
Kelly ed altri (n° 30054/96),
Shanaghan (n° 37715/97).

  contro  REGNO UNITO 
4 sentenze del 04 maggio 2001

 

DIRITTO ALLA VITA 
(violazione dell’articolo 2 della Convenzione Europea dei Diritti dell’Uomo) in conseguenza delle omesse indagini sulle circostanze della morte dei parenti dei ricorrenti, avvenuta ad opera della polizia in Irlanda del Nord.
Lo Stato Inglese deve versare a ciascuno dei ricorrenti 10.000. sterline inglesi per il danno morale sofferto oltre le spese legali.
(comunicato stampa)


La Cour dit à l’unanimité qu’il y a eu 
violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, à raison des lacunes de l’enquête menée sur les circonstances des décès, et ce dans les quatre affaires ; 


I non-violation de l’article 6 - 1 (droit à un procès équitable) dans les affaires Hugh Jordan et Kelly et autres ; 
II non-violation de l’article 14 (interdiction de toute discrimination) dans les quatre affaires ; 
III non-violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) dans les quatre affaires. 
Au titre de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue 10 000 livres sterling (GBP) à chacun des requérants pour dommage moral et, pour frais et dépens, 30 000 GBP à Hugh Jordan, 25 000 GBP à Jonathan McKerr, la somme globale de 30 000 GBP aux requérants dans l’affaire Kelly et autres, et 20 000 GBP à Mary Shanaghan. Les arrêts n’existent qu’en anglais.
1.  Principaux faits
Hugh Jordan – Hugh Jordan, qui possède la double nationalité irlandaise et britannique, est né en 1941 et vit à Belfast, en Irlande du Nord.
Le 25 novembre 1992, le fils du requérant, Pearse Jordan, âgé de 22 ans, fut abattu de trois balles dans le dos à Belfast par des membres de la Police royale de l’Ulster (Royal Ulster Constabulary – la « RUC »), alors qu’il n’était pas armé. Le 16 novembre 1993, le Director of Public Prosecutions (le « DPP ») rendit un non-lieu car il ne disposait pas de preuves suffisantes pour mener les poursuites. Le 4 janvier 1995 débuta l’enquête judiciaire sur le décès menée par un Coroner. Elle fut suspendue le 26 mai 1995 afin que le requérant puisse entamer une procédure de contrôle juridictionnel au sujet du refus du Coroner de donner à la famille accès en priorité aux déclarations des témoins et à la décision de celui-ci d’accepter que les témoins de la RUC gardent l’anonymat. L’enquête judiciaire n’est toujours pas terminée. Le 7 décembre 1992, le requérant avait engagé une procédure civile en arguant que la mort résultait d’un acte délictueux. Celle-ci en est au stade de la communication.
McKerr – Jonathan McKerr, ressortissant irlandais né en 1974, vit à Lurgan, dans le comté d’Armagh, en Irlande du Nord.
Le 11 novembre 1982, le père du requérant, Gervaise McKerr, conduisait une voiture à bord de laquelle se trouvaient deux passagers, Eugen Toman et Sean Burns. Les trois hommes, non armés, trouvèrent la mort lors d’un incident au cours duquel des policiers de la RUC auraient tiré 109 cartouches sur la voiture. Trois policiers furent poursuivis pour le meurtre d’Eugen Toman. Le 5 juin 1984, le juge conclut à l’issue de la plaidoirie de l’accusation que les preuves étaient insuffisantes pour établir la culpabilité et acquitta les policiers. Le 24 mai 1984, John Stalker, qui était à l’époque contrôleur général de la police et Manchester et des environs, fut désigné pour diriger une enquête sur cet incident et deux autres au cours desquels des policiers de la RUC avaient eu recours à la force meurtrière. Il fut ensuite remplacé par Colin Sampson, préfet de police du West Yorkshire. Les rapports d’enquête définitifs furent remis à la RUC et au DPP le 23 mars 1987. Dans une déclaration devant la Chambre des lords, l’Attorney-General annonça qu’il n’était pas justifié de procéder à d’autres poursuites.
Le 4 juin 1984 s’ouvrit une enquête judiciaire sur la mort des trois hommes. Les 9 novembre 1988 et 5 mai 1994, le ministre chargé de l’Irlande du Nord émit des certificats d’immunité dans l’intérêt public interdisant la divulgation de documents de sécurité sensibles, dont les rapports Stalker et Sampson. Le Coroner finit par abandonner l’enquête le 8 septembre 1994, après avoir tenté en vain d’obtenir la divulgation des éléments d’investigation de Stalker et Sampson. Le 19 août 1991, la mère du requérant intenta une procédure civile au sujet de la mort du père de ce dernier. Aucune autre action n’a été ouverte.
Kelly et autres – les neuf requérants sont tous des ressortissants irlandais – Vincent Kelly, né en 1926, réside à Dungannon, comté de Tyrone ; Kevin McKearney, né en 1924, réside à Moy, comté de Tyrone ; Amelia Arthurs, née en 1941, vit à Dungannon, comté de Tyrone ; Letitia Donnelly, née en 1936, vit à Dungannon, comté de Tyrone ; Mary Kelly, née en 1936, vit à Dungannon, comté de Tyrone ; Annie Gormley, née en 1926, vit à Dungannon, comté de Tyrone ; Patricke O’Callaghan, né en 1913, vit à Benburb, comté de Tyrone ; Carmel Lynagh, né en 1934, vit à Clones ; et Brigid Hughes, née en 1946, vit à Moy, comté de Tyrone.
Le 8 mai 1987, 24 soldats et trois policiers de la RUC montèrent une embuscade pour surprendre des terroristes qui devaient attaquer le poste de la RUC de Loughgall. Après l’arrivée au poste d’une unité de l’IRA armée et munie d’une grande quantité d’explosifs, huit membres de l’IRA (Patrick Kelly, Michael Gormley, Seamus Donnelly, Patrick McKearney, James Lynagh, Eugene Kelly, Declan Arthurs, Gerard O’Callaghan) trouvèrent la mort. Une neuvième personne, Antony Hughes, un civil qui passait par là, fut également tué par des balles tirées par les forces de sécurité. Les 2 décembre 1988, 20 mars 1990 et 2 mai 1990, les familles de sept des défunts engagèrent des actions civiles. Le 22 septembre 1990, le DPP conclut que les preuves disponibles ne justifiaient pas des poursuites. Le 24 septembre 1990, le Coroner suspendit l’enquête dans l’attente de l’issue d’une procédure de contrôle juridictionnel ouverte par les familles concernant l’admission de déclarations écrites à titre de preuves. L’enquête se conclut le 2 juin 1995.
Shanaghan – Mary Theresa Shanaghan, ressortissante irlandaise née en 1924, vit à Castlederg, en Irlande du Nord.
Son fils, Patrick Shanaghan, membre du Sinn Fein, était soupçonné par la RUC d’appartenir à l’IRA et d’avoir participé à des actes de terrorisme. Aux alentours du mois de décembre 1990, la RUC informa Patrick Shanaghan que des documents des forces de sécurité renfermant des informations personnelles, dont un montage photo, étaient tombés accidentellement de l’arrière d’un véhicule de l’armée. On l’informa ultérieurement qu’il risquait d’être pris pour cible par des terroristes loyalistes. Le 12 août 1991, il fut tué par un tireur masqué. L’enquête se tint du 26 mars au 20 juin 1996. Le 22 juillet 1994, la requérante avait intenté une action en indemnisation pour le meurtre de son fils.
2.  Composition de la Cour
Les arrêts ont été rendus par une chambre composée de sept juges, à savoir :
Jean-Paul Costa (Français), président,
Willi Fuhrmann (Autrichien),
Loukis Loucaides (Cypriote),
Françoise Tulkens (Belge),
Karel Jungwiert (Tchèque),
Nicolas Bratza (Britannique),
Kristaq Traja (Albanais), juges,
ainsi que Sally Dollé, greffière de section.
3.  Résumé de l’arrêt
Griefs
Hugh Jordan – Le requérant se plaignait notamment de ce que son fils avait été tué en conséquence d’un recours excessif à la force contraire à l’article 2 de la Convention. Sur ce terrain, il dénonçait également l’absence de poursuites quant à ce meurtre injustifié et le non-respect de l’exigence procédurale de l’article 2, selon laquelle il aurait dû y avoir une enquête effective sur les circonstances dans lesquelles son fils avait trouvé la mort. Il faisait valoir en particulier que l’enquête judiciaire était entachée de vice en raison de sa portée limitée, de l’absence d’assistance judiciaire pour la famille, de la non-divulgation à l’avance à la famille des dépositions soumises à l’enquête et de l’impossibilité d’obliger à comparaître comme témoin le policier qui avait tiré. Il se plaignait aussi sous l’angle de l’article 6 de ce que son fils n’avait pas bénéficié d’un procès équitable, sous l’angle de l’article 14 de ce que le nombre élevé de meurtres commis par les forces de sécurité parmi la communauté catholique ou nationaliste, combiné avec le faible nombre de poursuites et de condamnations, emportaient une discrimination et, sur le terrain de l’article 13, de l’absence de recours effectifs pour redresser ces griefs.
McKerr – Le requérant se plaignait notamment de ce que son père, Gervaise McKerr, avait été tué en conséquence d’un recours excessif à la force contraire à l’article 2 de la Convention. De plus, selon lui, les poursuites dirigées contre les policiers de la RUC étaient irrégulières ; il citait notamment le parti pris dont aurait fait preuve le juge du fond et le non-respect de l’exigence procédurale prévue à l’article 2. Il faisait valoir en particulier que l’enquête judiciaire était entachée de vice en raison de sa portée limitée, de l’absence d’assistance judiciaire pour la famille, de la non-divulgation à l’avance à la famille des dépositions soumises à l’enquête, de l’usage de certificat d’immunité dans l’intérêt public et de l’impossibilité d’obliger à comparaître comme témoin les policiers qui avaient tiré. Il soumettait également des griefs au titre des articles 14 et 13.
Kelly et autres – Les requérants se plaignaient notamment de ce que leurs proches avaient été tués par un recours excessif à la force contraire à l’article 2 et de ce que l’opération n’avait pas été correctement commandée et conduite. Ils dénonçaient également le non-respect de l’obligation procédurale énoncée à l’article 2, faisant valoir en particulier que l’enquête judiciaire était entachée de vice en raison de sa portée limitée, de l’absence d’assistance judiciaire pour la famille, de la non-divulgation à l’avance à la famille des dépositions soumises à l’enquête et de l’impossibilité d’obliger à comparaître comme témoin les policiers qui avaient tiré. Ils dénonçaient également l’absence de procès équitable sur le terrain de l’article 6 et soumettaient des griefs sous l’angle des articles 14 e t13.
Shanaghan – La requérante se plaignait notamment de ce que son fils, Patrick Shanaghan, avait été tué avec la complicité de la RUC au mépris de l’article 2. Elle dénonçait en outre le non-respect de l’obligation procédurale de l’article 2, faisait valoir en particulier que l’enquête judiciaire était entachée de vice en raison de sa portée limitée et de sa durée excessive. Elle soumettait également des griefs au titre des articles 14 et 13.
Décision de la Cour
Article 2
Responsabilité alléguée du Royaume-Uni pour les décès en cause
S’agissant de la responsabilité alléguée du Royaume-Uni pour les décès en cause, la Cour note d’emblée que ces affaires posent un certain nombre de questions fondamentales quant aux faits, qui sont actuellement examinées dans le cadre des procédures internes. Elle estime qu’elle ne doit pas se livrer à un exercice qui ferait double emploi avec celui mené par les juridictions civiles, qui sont mieux placées et équipées pour établir les faits. La Cour ne considère pas que l’un quelconque des éléments des différentes affaires prive les juridictions civiles de leur faculté d’établir les faits ou de se prononcer sur le caractère régulier ou non de la mort ou sur les infractions ou imprudences commises par les forces de sécurité (comme cela est allégué dans l’affaire Shanaghan). La Cour n’est pas non plus convaincue qu’il convienne de s’appuyer sur les documents fournis par les parties pour tirer des conclusions quant à la responsabilité des meurtres. Les récits écrits n’ont pas été vérifiés au moyen d’interrogatoires ou de contre-interrogatoires ; ils ne sont pas suffisamment complets pour se fonder sur eux et pourraient induire en erreur. La situation ne saurait s’assimiler à une mort en garde à vue où on peut considérer qu’il incombe à l’Etat de fournir une explication satisfaisante et plausible.
En outre, la Cour n’est pas prête à procéder à une analyse des incidents survenus au cours des trente dernières années sur la base essentiellement d’informations statistiques et de preuves sélectives, aux fins d’établir s’ils révèlent l’existence d’une pratique des forces de sécurité consistant à recourir à une force disproportionnée.
Toutefois, la Cour relève, sur le terrain de l’article 2, qu’il y a lieu de mener des enquêtes de nature à conduire à l’identification et à la punition des responsables en cas d’allégation d’homicide illégal. La Cour a donc recherché si cette exigence procédurale de l’article 2 avait été respectée.
Aspect procédural de l’article 2
Dans les quatre affaires, la Cour constate qu’il ne lui appartient pas de préciser en détail les modalités que doivent suivre les autorités pour procéder à un examen adéquat des circonstances dans lesquelles des agents de l’Etat ont commis un homicide. Bien que le système écossais où un juge d’une juridiction pénale mène l’enquête ait été cité en exemple, il n’y a aucune raison de supposer qu’il s’agit là de la seule méthode possible. On ne peut pas dire non plus qu’il doive y avoir une procédure unique satisfaisant à toutes les exigences. Lorsque l’établissement des faits, l’enquête pénale et les poursuites sont effectués séparément ou en commun par plusieurs autorités, comme c’est le cas en Irlande du Nord, la Cour considère que les exigences de l’article 2 peuvent malgré tout être satisfaites à condition que, en tenant compte d’autres intérêts légitimes comme la sécurité nationale ou la protection d’éléments pertinents pour d’autres enquêtes, ces activités offrent les garanties nécessaires de manière accessible et effective. Or les procédures disponibles dans les quatre affaires n’ont pas respecté l’équilibre voulu.
Dans l’affaire Hugh Jordan, la Cour constate que la procédure d’enquête sur le recours à la force meurtrière de la part du policier concerné présente les lacunes suivantes :
· une absence d’indépendance des policiers enquêtant sur l’incident par rapport à ceux impliqués dans l’incident ; 
· une absence d’examen public et d’information à la famille de la victime quant aux raisons pour lesquelles le DPP a décidé de ne poursuivre aucun policier ; 
· le policier qui a tué Pearse Jordan n’a pas pu être contraint de comparaître lors de l’enquête judiciaire en qualité de témoin ; 
· la procédure d’enquête n’a pas permis d’obtenir un verdict ou des conclusions susceptibles de contribuer de manière effective à déboucher sur des poursuites à raison des infractions pénales qui auraient pu être mises au jour ; 
· l’absence d’aide judiciaire à la famille de la victime pour sa représentation et la non-divulgation des déclarations des témoins avant leur comparution à l’enquête ont empêché le requérant de participer pleinement à cette enquête et contribué à la suspension de la procédure pendant de longues périodes ; 
· la procédure d’enquête judiciaire n’a pas débuté promptement et n’a pas été menée dans un délai raisonnable. 
Dans l’affaire McKerr, la Cour juge que la procédure d’enquête sur le recours à la force meurtrière de la part des policiers présente les lacunes suivantes :
· une absence d’indépendance des policiers enquêtant sur l’incident par rapport à ceux impliqués dans l’incident ; 
· une absence d’examen public et d’information à la famille de la victime quant aux investigations indépendantes de la police sur l’incident, notamment quant aux raisons pour lesquelles le DPP a décidé de ne poursuivre aucun policier à ce stade pour avoir égaré ou tenté d’égarer la justice ; 
· la procédure d’enquête n’a pas permis d’obtenir un verdict ou des conclusions susceptibles de contribuer de manière effective à déboucher sur des poursuites à raison des infractions pénales qui auraient pu être mises au jour ; 
· la non-divulgation des déclarations des témoins avant leur comparution à l’enquête a empêché le requérant de participer pleinement à cette enquête et contribué à la suspension de la procédure pendant de longues périodes ; 
· le certification d’immunité dans l’intérêt public a empêché l’enquête judiciaire de porter sur des sujets en rapport avec les questions restant en suspens dans l’affaire ; 
· les policiers qui ont tiré sur Gervaise McKerr n’ont pas pu être contraints de comparaître lors de l’enquête judiciaire en qualité de témoins ; 
· la police n’a pas mené une enquête indépendante avec la célérité voulue ; 
· la procédure d’enquête judiciaire n’a pas débuté promptement et n’a pas été menée dans un délai raisonnable. 
La Cour observe que l’absence d’indépendance de l’enquête de la RUC et l’absence de transparence des investigations menées ensuite sur les allégations d’obstruction policière lors cette enquête peuvent passer pour constituer le cœur des problèmes rencontrés lors des procédures qui ont suivi. Les juridictions internes ont relevé que l’enquête judiciaire n’était pas le cadre approprié pour traiter des questions plus générales soulevées par l’affaire. Or aucune autre procédure publique n’était accessible pour remédier aux lacunes constatées.
Dans l’affaire Kelly et autres, la Cour note que la procédure d’enquête sur le recours à la force meurtrière de la part des forces de sécurité présente les lacunes suivantes :
· une absence d’indépendance des policiers enquêtant sur l’incident par rapport aux membres des forces de sécurité impliqués dans l’incident ; 
· une absence d’examen public et d’information à la famille des victimes quant aux raisons pour lesquelles le DPP a décidé de ne poursuivre aucun soldat ; 
· la procédure d’enquête n’a pas permis d’obtenir un verdict ou des conclusions susceptibles de contribuer de manière effective à déboucher sur des poursuites à raison des infractions pénales qui auraient pu être mises au jour ; 
· les soldats qui ont tué les victimes n’ont pas pu être contraints de comparaître lors de l’enquête judiciaire en qualité de témoins ; 
· la non-divulgation des déclarations des témoins avant leur comparution à l’enquête ont empêché les requérants de participer pleinement à cette enquête et contribué à la suspension de la procédure pendant de longues périodes ; 
· la procédure d’enquête judiciaire n’a pas débuté promptement et n’a pas été menée dans un délai raisonnable. 
Dans l’affaire Shanaghan, la Cour constate que la procédure d’enquête sur le recours à la force meurtrière de la part du policier concerné présente les lacunes suivantes :
· il n’a pas été montré qu’il y avait eu une enquête rapide ou effective sur les allégations de complicité dans le cadre de la mort de Patrick Shanaghan ; 
· une absence d’indépendance des policiers enquêtant sur l’incident par rapport aux membres des forces de sécurité accusés de complicité avec les paramilitaires loyalistes qui ont tiré ; 
· une absence d’examen public et d’information à la famille de la victime quant aux raisons pour lesquelles le DPP a décidé de ne pas procéder à des poursuites en ce qui concerne l’allégation de complicité ; 
· l’enquête judiciaire n’a pas porté sur les allégations de complicité de la part membres des forces de sécurité en vue de désigner Patrick Shanaghan comme cible et de le tuer ; 
· la procédure d’enquête n’a pas permis d’obtenir un verdict ou des conclusions susceptibles de contribuer de manière effective à déboucher sur des poursuites à raison des infractions pénales qui auraient pu être mises au jour ; 
· la non-divulgation des déclarations des témoins avant leur comparution à l’enquête ont empêché le requérant de participer pleinement à cette enquête ; 
· la procédure d’enquête judiciaire n’a pas débuté promptement. 
Dans ces quatre affaires, la Cour observe que le manque de transparence et d’effectivité constaté va à l’encontre de l’objectif identifié par les tribunaux internes, à savoir dissiper les soupçons et rumeurs. Des procédures assurant que les agents de l’Etat rendent des comptes sont indispensables pour conserver la confiance de la population et répondre aux préoccupations légitimes que peut susciter le recours à la force meurtrière. L’absence de pareilles procédures ne ferait que nourrir les craintes de motivations funestes, comme le montrent notamment les allégations relatives à une pratique consistant à tirer pour tuer.
La Cour juge que l’obligation procédurale qu’impose l’article 2 n’a été respectée dans aucune de ces quatre affaires et qu’il y a donc eu violation de cette disposition à cet égard
Article 6 § 1
Rappelant que, dans l’affaire Hugh Jordan, la régularité du meurtre de Pearse Jordan n’a pas encore été examinée au cours de la procédure civile intentée par le requérant et que, dans l’affaire Kelly et autres, la régularité du meurtre des neuf hommes à Loughgall attend d’être examinée dans le cadre de la procédure civile engagée par cinq des familles requérantes, que la famille Hughes a conclu un règlement mettant fin à son action civile, tandis que trois familles n’ont pas jugé utile d’engager ou poursuivre des procédures, la Cour juge qu’elle n’a aucune base pour tirer quelque conclusion que ce soit quant aux motivations incorrectes qui seraient à l’origine des incidents en question.
Dans ces deux affaires, les questions qui peuvent se poser quant au caractère effectif des procédures d’enquête pénale doivent être examinées sous l’angle des articles 2 et 13 de la Convention. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1.
Article 14
Dans les quatre affaires, la Cour observe que, lorsqu’une politique ou mesure générale a des répercussions exagérément préjudiciables sur un groupe donné, il n’est pas exclu qu’elle puisse être considérée comme discriminatoire même si elle ne vise pas spécifiquement ce groupe. Toutefois, si les statistiques font apparaître que la majorité des personnes tuées par les forces de sécurité appartenaient à la communauté catholique ou nationaliste, la Cour ne considère pas que cela suffise à attester d’une pratique susceptible d’être qualifiée de discriminatoire au sens de l’article 14. Aucune preuve soumise à la Cour n’autorise celle-ci à conclure que l’un quelconque de ces meurtres, à l’exception des quatre qui ont été suivis de condamnations, étaient le résultat d’un recours à la force irrégulier ou excessif de la part des membres des forces de sécurité. La Cour en conclut dès lors qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14.
Article 13
La Cour constate que, dans les affaires Hugh Jordan et McKerr, les requérants ont engagé des actions civiles, toujours pendantes ; dans l’affaire Kelly et autres, sept des requérants ont fait de même, cinq des procédures étant toujours pendantes, puisque la famille Hughes a conclu un règlement mettant fin à son action, une autre famille a abandonné son action et deux familles ont jugé inutile d’intenter pareille procédure. Dans ces trois affaires, la Cour juge que rien n’empêchait la procédure civile de fournir le redressement indiqué plus haut s’agissant du recours à la force prétendument excessif. Dans l’affaire Shanaghan, la requérante a intenté une procédure civile, toujours pendante, et la Cour constate également que rien ne pouvait empêcher la procédure civile de fournir le redressement cité plus haut en ce qui concerne l’allégation de complicité des forces de sécurité avec les paramilitaires loyalistes qui ont tué son fils.
Dans ces quatre affaires, les griefs des requérants se rapportant à l’enquête sur les homicides menée par les autorités ont été examinés plus haut sous l’angle de l’exigence procédurale contenue à l’article 2. Partant, la Cour conclut qu’aucune question distincte ne se pose et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13.
 
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Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int )