Caso Matthews

REGNO UNITO

Corte Europea dei Diritti dell’Uomo, CASO MATTHEWS contro REGNO UNITO sentenza del 18 febbraio 1999

 

COMUNICATO STAMPA

Par un arret rendu à Strasbourg le 18 février 1999 dans l’affaire Matthews c. Royaume-Uni, la Cour européenne des Droits de l’Homme juge, par 15 voix contre 2, qu’il y a eu violation de l’article 3 du Protocole n° 1 à la Convention européenne des Droits de l’Homme (droit de participer, par des élections, au choix du corps législatif).

1. Principaux faits

La requérante, Mme Denise Matthews, est une résidente de Gibraltar née en 1975.

En avril 1994, elle sollicita son inscription sur les listes électorales en vue des élections au Parlement européen. On lui répondit qu'en vertu de l'annexe II à l'acte CE de 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct Gibraltar n’entrait pas dans le champ d’application du droit de suffrage pour lesdites élections.

 

2. Procédure et composition de la Cour

La Commission européenne des Droits de l’Homme a été saisie de la requête le 18 avril 1994. Après l’avoir déclarée recevable, elle a adopté, le 29 octobre 1997, un rapport dans lequel elle formule l’avis qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 du Protocole n° 1 (12 voix contre 5). Elle a déféré l’affaire à la Cour le 26 janvier 1998.

Conformément aux dispositions transitoires du Protocole n° 11 à la Convention, l’affaire a été transmise à la Grande Chambre de la nouvelle Cour européenne des Droits de l’Homme le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur dudit Protocole.

L’arrêt a été rendu par une Grande Chambre de 17 juges.

 

3. Résumé de l’arrêt2

Griefs

La requérante alléguait que la non-organisation d’élections au Parlement européen à Gibraltar était constitutive d’une violation de son droit à participer, par des élections, au choix du corps législatif, au sens de l’article 3 du Protocole n° 1 à la Convention. Elle voyait également une violation de l’article 14 de la Convention (interdiction de discrimination) dans le fait qu’elle avait le droit de voter aux élections au Parlement européen en tout endroit de l’Union européenne où elle aurait eu sa résidence, sauf à Gibraltar.

 

Décision de la Cour

Il n'y avait pas controverse sur l'applicabilité de l'article 3 du Protocole n° 1 à Gibraltar.

La Cour commence par étudier la question de savoir si le Royaume-Uni peut voir sa responsabilité engagée au titre de la Convention pour n'avoir pas organisé d'élections au Parlement européen à Gibraltar. Elle relève que, la Communauté européenne n'étant pas Partie contractante, ses actes ne peuvent être attaqués en tant que tels devant la Cour. Elle précise en revanche que le transfert de compétences au profit de la Communauté n'a pas pour effet d'exonérer les Etats de leur responsabilité en ce qui concerne la garantie des droits consacrés par la Convention : les Etats sont responsables au titre de celle-ci et de ses Protocoles des conséquences des traités auxquels ils souscrivent après s'être engagés à respecter les obligations contenues dans la Convention. La Cour note par ailleurs que les textes émanant du processus législatif commuanautaire touchent la population de Gibraltar de la même manière que ceux qui émanent de la Chambre de l'assemblée locale. Elle juge dès lors qu'il n'y a aucune raison de considérer que le Royaume-Uni n'est pas tenu de reconnaître les droits consacrés par l'article 3 du Protocole n° 1 en rapport avec la législation européenne. En conséquence, le Royaume-Uni doit reconnaître lesdits droits à Gibraltar, qu'il s'agisse d'élections purement internes ou d'élections européennes.

La Cour recherche ensuite si l'article 3 du Protocole n° 1 est applicable à un organe tel que le Parlement européen et si ce dernier présentait, à l'époque pertinente, les caractéristiques d'un " corps législatif " à Gibraltar. Elle observe que les mots " corps législatif " de l'article 3 ne s'entendent pas nécessairement du seul parlement national et que les élections au Parlement européen ne sauraient être exclues du champ d'application de cette clause au seul motif que le Parlement européen serait un organe représentatif supranational et non purement interne. Se penchant ensuite sur les pouvoirs du Parlement européen dans le contexte de la Communauté européenne, la Cour conclut que le Parlement européen se trouve suffisamment associé au processus législatif spécifique conduisant à l’adoption de certains types d'actes communautaires, ainsi qu'au contrôle démocratique général des activités de la Communauté, pour que l'on puisse considérer qu'il constitue une partie du " corps législatif " de Gibraltar aux fins de l'article 3 du Protocole n° 1.

La Cour examine enfin si la non-organisation d'élections au Parlement européen à Gibraltar était compatible avec l'article 3. Elle précise que le choix du mode de scrutin au travers duquel est assurée la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif est une question pour laquelle chaque Etat jouit d'une ample marge d'appréciation. Dans le cas présent, toutefois, la requérante s'est vue privée de toute possibilité d'exprimer son opinion sur le choix des membres du Parlement européen, alors que la législation communautaire fait partie du droit de Gibraltar et que la requérante en ressent directement les effets. Dans ces conditions, il a été porté atteinte à l'essence même du droit de vote tel que le garantit à la requérante l'article 3 du Protocole n° 1. Il en résulte qu'il y a eu violation de cette disposition.

La Cour estime ne pas devoir se pencher sur le grief fondé sur l’article 14 de la Convention et alloue à la requérante environ 45 000 livres sterling pour ses frais et dépens.